Remise des doléances sur la situation des droits de l'Homme au Chef de l'Etat par le CADH



COLLECTIF DES ASSOCIATIONS DE DEFENSE DES DROITS DE L’HOMME (CADH)
(APLFT – LTDH – ATPDH – ACAT-TCHAD – ATNV – TNV)
Tel : 66 29 78 55/ 66 24 90 85/ 99 95 58 24
A la très haute attention de
Son Excellence Monsieur Idriss Deby Itno, Président de la République du Tchad, Chef de l’Etat

Objet : Contributions du Collectif des Associations de Défense des Droits de l’Homme du Tchad pour la consolidation d’un Etat de droits

Excellence,
Profitant de l’audience que vous avez bien voulu nous accorder pour échanger  sur des questions d’intérêt national, Nous, organisations membres du Collectif des Associations de Défense des Droits de l’Homme (CADH), apportons  par la présente notre contribution au processus de consolidation d’un état de droit au Tchad.
1.     De l’indépendance de la Justice : tout en félicitant le gouvernement des efforts qui ont été accomplis ce dernier temps dans le domaine de la Justice, notamment à travers plusieurs programmes d’Appui et de réforme de la Justice (PRAJUST 1 et 2), le CADH estime que l’effort de consolidation de l’Etat de droit entrepris par le gouvernement doit être soutenu par un travail vigoureux de sécurisation de l’environnement juridique et judiciaire. La force doit revenir à la loi et la Justice doit retrouvée toutes ses lettres de noblesse sans interférence quelconque.
2.     De la sécurisation de l’Etat : il est de la responsabilité et du devoir de tout Etat de disposer d’agences d’espionnage et/ou de contre-espionnage et de renseignement afin d’aider les forces de défense et de sécurité dans l’exercice de leurs missions de défense de l’intégrité territoriale.  C’est donc une tâche patriotique qui mérite d’être saluée. Cependant, le CADH constate avec regret que l’Agence Nationale de Sécurité agit en violation de la constitution et des engagements internationaux relatifs aux droits de l’Homme pris par le Tchad. Cet agissement crée un climat de terreur de nature à compromettre la tranquillité et la quiétude de la population et des différents acteurs de la vie économique et sociale du pays.  Il est de donc important que votre autorité s’investisse pour garantir les libertés publiques auxquelles chaque individu aspire légitimement.

3.     De la question foncière: Nous constatons que trop souvent, des réclamations foncières tournent au drame du fait des règlements subjectifs et des contingences coutumières mal définies. La survivance de certaines règles coutumières et surtout leur primauté sur le droit moderne est de nature à entretenir des réclamations à faire obstacle au bon fonctionnement de l’Etat. Comment peut-on imaginer qu’une personne puisse réclamer  en exclusivité et en présence de l’Etat le lit d’un fleuve, le polder ou tout un espace cultivable qui s’étant sur des centaines d’hectares ?
Est-il admissible que des individus s’arrogent le droit de s’approprier des terres fertiles ou des domaines d’habitation pendant que d’autres, à côté, réclament vainement des petits lopins et lots pour s-y abriter. A titre d’illustration le conflit à Doum-Doum dans la région du Lac qui a occasionné huit morts et plusieurs blessés en juillet dernier.
Nous avons en commun 1 284 000 Km2 pour moins de 15 millions d’habitants, y a-t-il un problème réel de terre au Tchad ?
Nous avons la conviction que la gestion actuelle des questions foncières n’est pas de nature à éviter des problèmes de cohésion nationale. L’Etat doit revoir son approche et initier des réflexions en vue d’adopter des mesures qui garantissent l’accès de tous à la terre tchadienne.
Il est aussi important que l’administration assume pleinement son rôle en réaffirmant son autorité sur la terre et en mettant en garde les communautés qui dénient encore aux citoyens le droit individuel d’accès à la terre. La terre est d’abord le bien de l’Etat et nul ne peut l’approprier contre la volonté de celui-ci. 
4.     Des conflits entre éleveurs et agriculteurs : nous assistons impuissants, depuis un certains temps, aux affrontements entre éleveurs et agriculteurs dans nos campagnes et ce, partout sur l’étendu du territoire national. Certains pensent que pour régler cette affaire, il faudra de la volonté politique. D’autres estiment que les facteurs déterminants de ces conflits sont intimement liés aux changements climatiques, à la démographie, à l’histoire tumultueuse de notre pays et qu’une solution idoine n’est pas envisageable à court terme.
Nous, défenseurs des droits de l’homme avons la conviction que ces conflits prennent une telle ampleur du simple fait de la démission de l’Etat et de l’irresponsabilité de certains responsables des unités administratives.

Le Tchad a partout gagné les grandes guerres et a aidé à instaurer la paix chez les voisins en désarroi. Par conséquent, le conflit éleveur/ agriculteur, du moins l’ampleur actuelle de ce phénomène ne peut se justifier sans le rôle déterminant joué par les représentants des services publics de l’Etat en mission dans nos campagnes.
Nous en voulons pour preuve l’exemple d’un sous-préfet affecté en province qui a réussi, en moins d’un an, à imposer aux éleveurs et aux agriculteurs le respect de l’autorité de l’Etat et les biens d’autrui. Ce jeune homme, qualifié par les services de renseignement de soulard et combattu par tous a même démonté, contre la volonté des autres, le réseau des malfaiteurs. Un bel exemple de l’accomplissement de la mission d’Etat.
Monsieur le Président de la République, les services déconcentrés et décentralisés de l’Etat doivent assumer pleinement leur responsabilité pour permettre au monde rural de vaquer à ses occupations dans le respect des lois, de nos us et coutumes qui ne sont pas contraires à l’ordre public et à la constitution de la République. Vos représentants dans les unités administratives doivent être des hommes et des femmes soucieux de l’unité nationale, de l’égalité des citoyens, du respect des lois et règlements. Bref ceux qui travaillent dans le sens de l’intérêt public.

Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, loin d’être exhaustifs sur la question des droits de l’Homme au Tchad, nous espérons que le contact sera maintenu pour nous permettre d’apporter davantage notre contribution à la consolidation de l’Etat de droits au Tchad.
Veuillez agréer, Excellence Monsieur le Président la République, Chef de l’Etat, nos considérations distinguées.
Fait à N’Djamena le 25 aout 2017
APLFT: Ali Mahamat Mbodou, Vice-Président
ATPDH: Mahamat Bodingar, Vice-président
ACAT-Tchad: Me Nodjitoloum Salomon, Président
LTDH : Me Midaye Bery Guerimbaye, Président
TNV: Toidom Nodjindo Marcelin, Coordonnateur

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le CADH reçu en audience par le Chef de l'Etat

Les défis de l’application des droits de l’Homme au Tchad et perspectifs

POINT DE PRESSE N°001/CADH/P/2018