Remise des doléances sur la situation des droits de l'Homme au Chef de l'Etat par le CADH
COLLECTIF
DES ASSOCIATIONS DE DEFENSE DES DROITS DE L’HOMME (CADH)
(APLFT – LTDH – ATPDH – ACAT-TCHAD – ATNV – TNV)
A la très haute attention de
Son Excellence Monsieur Idriss Deby Itno, Président
de la République du Tchad, Chef de l’Etat
Objet : Contributions du Collectif des Associations de
Défense des Droits de l’Homme du Tchad pour la consolidation d’un Etat de
droits
Excellence,
Profitant
de l’audience que vous avez bien voulu nous accorder pour échanger sur des questions d’intérêt national, Nous,
organisations membres du Collectif des Associations de Défense des Droits de
l’Homme (CADH), apportons par la
présente notre contribution au processus de consolidation d’un état de droit au
Tchad.
1. De l’indépendance
de la Justice : tout en félicitant
le gouvernement des efforts qui ont été accomplis ce dernier temps dans le
domaine de la Justice, notamment à travers plusieurs programmes d’Appui et de
réforme de la Justice (PRAJUST 1 et 2), le CADH estime que l’effort de
consolidation de l’Etat de droit entrepris par le gouvernement doit être
soutenu par un travail vigoureux de sécurisation de l’environnement juridique
et judiciaire. La force doit revenir à la loi et la Justice doit retrouvée
toutes ses lettres de noblesse sans interférence quelconque.
2. De la
sécurisation de l’Etat : il est
de la responsabilité et du devoir de tout Etat de disposer d’agences
d’espionnage et/ou de contre-espionnage et de renseignement afin d’aider les
forces de défense et de sécurité dans l’exercice de leurs missions de défense
de l’intégrité territoriale. C’est donc
une tâche patriotique qui mérite d’être saluée. Cependant, le CADH constate
avec regret que l’Agence Nationale de Sécurité agit en violation de la
constitution et des engagements internationaux relatifs aux droits de l’Homme pris
par le Tchad. Cet agissement crée un climat de terreur de nature à compromettre
la tranquillité et la quiétude de la population et des différents acteurs de la
vie économique et sociale du pays. Il
est de donc important que votre autorité s’investisse pour garantir les
libertés publiques auxquelles chaque individu aspire légitimement.
3. De la question
foncière: Nous constatons que
trop souvent, des réclamations foncières tournent au drame du fait des
règlements subjectifs et des contingences coutumières mal définies. La survivance
de certaines règles coutumières et surtout leur primauté sur le droit moderne
est de nature à entretenir des réclamations à faire obstacle au bon
fonctionnement de l’Etat. Comment peut-on imaginer qu’une personne puisse
réclamer en exclusivité et en présence
de l’Etat le lit d’un fleuve, le polder ou tout un espace cultivable qui
s’étant sur des centaines d’hectares ?
Est-il admissible que
des individus s’arrogent le droit de s’approprier des terres fertiles ou des
domaines d’habitation pendant que d’autres, à côté, réclament vainement des
petits lopins et lots pour s-y abriter. A titre d’illustration le conflit à
Doum-Doum dans la région du Lac qui a occasionné huit morts et plusieurs
blessés en juillet dernier.
Nous avons en commun
1 284 000 Km2 pour moins de 15 millions d’habitants, y a-t-il un
problème réel de terre au Tchad ?
Nous avons la
conviction que la gestion actuelle des questions foncières n’est pas de nature
à éviter des problèmes de cohésion nationale. L’Etat doit revoir son approche et
initier des réflexions en vue d’adopter des mesures qui garantissent l’accès de
tous à la terre tchadienne.
Il est aussi important
que l’administration assume pleinement son rôle en réaffirmant son autorité sur
la terre et en mettant en garde les communautés qui dénient encore aux citoyens
le droit individuel d’accès à la terre. La terre est d’abord le bien de l’Etat
et nul ne peut l’approprier contre la volonté de celui-ci.
4. Des conflits
entre éleveurs et agriculteurs :
nous assistons impuissants, depuis un certains temps, aux affrontements entre
éleveurs et agriculteurs dans nos campagnes et ce, partout sur l’étendu du
territoire national. Certains pensent que pour régler cette affaire, il faudra
de la volonté politique. D’autres estiment que les facteurs déterminants de ces
conflits sont intimement liés aux changements climatiques, à la démographie, à l’histoire
tumultueuse de notre pays et qu’une solution idoine n’est pas envisageable à
court terme.
Nous, défenseurs des droits de l’homme avons la conviction
que ces conflits prennent une telle
ampleur du simple fait de la démission de l’Etat et de l’irresponsabilité de
certains responsables des unités administratives.
Le Tchad a partout gagné les grandes guerres et a
aidé à instaurer la paix chez les voisins en désarroi. Par conséquent, le
conflit éleveur/ agriculteur, du moins l’ampleur actuelle de ce phénomène ne
peut se justifier sans le rôle déterminant joué par les représentants des
services publics de l’Etat en mission dans nos campagnes.
Nous en voulons pour preuve l’exemple d’un
sous-préfet affecté en province qui a réussi, en moins d’un an, à imposer aux
éleveurs et aux agriculteurs le respect de l’autorité de l’Etat et les biens
d’autrui. Ce jeune homme, qualifié par les services de renseignement de soulard
et combattu par tous a même démonté, contre la volonté des autres, le réseau
des malfaiteurs. Un bel exemple de l’accomplissement de la mission d’Etat.
Monsieur le Président de la République, les services
déconcentrés et décentralisés de l’Etat doivent assumer pleinement leur
responsabilité pour permettre au monde rural de vaquer à ses occupations dans
le respect des lois, de nos us et coutumes qui ne sont pas contraires à l’ordre
public et à la constitution de la République. Vos représentants dans les unités
administratives doivent être des hommes et des femmes soucieux de l’unité
nationale, de l’égalité des citoyens, du respect des lois et règlements. Bref
ceux qui travaillent dans le sens de l’intérêt public.
Excellence
Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, loin d’être exhaustifs
sur la question des droits de l’Homme au Tchad, nous espérons que le contact
sera maintenu pour nous permettre d’apporter davantage notre contribution à la
consolidation de l’Etat de droits au Tchad.
Veuillez
agréer, Excellence Monsieur le Président la République, Chef de l’Etat, nos
considérations distinguées.
Fait à N’Djamena le 25 aout 2017
APLFT:
Ali Mahamat Mbodou, Vice-Président
ATPDH:
Mahamat Bodingar, Vice-président
ACAT-Tchad:
Me Nodjitoloum Salomon, Président
LTDH :
Me Midaye Bery Guerimbaye, Président
TNV:
Toidom Nodjindo Marcelin, Coordonnateur
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