A vous tous, défenseurs des droits de l'homme!



Je me fais le devoir d attirer notre attention sur deux défis majeurs auxquels nous sommes confrontés et vous prie de bien vouloir prendre conscience du traitement réserve au jeune Djida Alain Kemba et les 32 élèves manifestants transférés en toute illégalité à Moussoro dans un centre de détention en dehors de la compétence juridictionnelle du tribunal de grande instance de N’Djamena. Notre laxisme dans la gestion de ces dossiers est de nature à exposer davantage les victimes. C est pourquoi, j’en appelle à une plus grande mobilisation.
En rappel, Djida Alain Kemba a été interpellé par 6 hommes a bord d’un véhicule de la police a la hauteur de la radio FM Liberté alors qu’il se faisait transporter par une mototaxi. Conduit au poste du commissariat de police, Djida et son compagnon de malheur (le clandoman) appendront qu’il leur est reproché leur présence à côté d’un vieux pneu avec de l’essence en main et qu’ils seraient en train de brûler le pneu sur la voie publique. Choses que les intéressés réfutent. « J’ai demandé aux policiers est ce qu’ils ont vu le feu ou une allumette quelconque au moment de mon arrestation » me précise Djida que j’ai rencontré le mardi 20 février très affecté avec des enflures aux plantes des pieds, à la cheville et aux articulations. Le détenu m’a indiqué qu’il a été soumis à « l’arbatachar » et que ses geôliers lui ont administré plusieurs gifles au bureau d’un responsable de la police. A l’interrogatoire, les policiers exigent les noms des financeurs du mouvement citoyen Iyina et veulent savoir le pourquoi de l’acharnement de Iyina contre leur ethnie ; me confie Djida sur un ton de lamentation avant d’ajouter qu’il lui est interdit de révéler qu’il a été victime des sévices corporels.
Le plus grave dans cette affaire : alors qu’il est bel et bien détenu dans les locaux du commissariat central de la police, tous les responsables censés nous renseigner disent n’avoir aucune information. Nous avons contacté le substitut du procureur qui semble lui aussi n’être au courant de rien. Néanmoins, il a accepté de décrocher le téléphone pour appeler et promets nous rappeler dès qu’il aura des informations. En sortant du bureau du substitut, nous lui avons indiqué avec précision la cellule dans laquelle le prévenu est placé depuis 5 jours aujourd’hui.
Comment peut-on croire que dans un Etat censé être de droit, un prévenu puisse être gardé au violon pendant autant de jours sans que le commissaire en charge de l’institution ne soit au courant? Est-il concevable qu’une personne soit détenue à la police et que le procureur ne soit pas à même d'exiger sa libération ou son audition sur procès-verbal régulier ? Pourquoi le prévenu ou le détenu n’est pas présenté au juge alors que le délai de garde a vue est largement dépassé? Ne serons-nous pas complices demain de ce qui arrivera a notre collègue de lutte qui gémit et nous appelle au secours? Telles sont autant de questions qui méritent des réponses de notre part.
Je pense, pour ma part, que nous devons nous mobiliser pour exiger que les 32 manifestants transférés en toute illégalité à Moussoro soient ramenés sans délai sur le lieu de la prétendue commission de l’infraction ; car, les parents, avocats et autres témoins, par ces temps qui courent n’ont pas accès à ces détenus. Il y a alors de bonnes raisons de s’inquiéter quant aux conditions de détention. Aussi, l'affaire ayant fait l'objet d'appel, le tribunal de N’Djamena ne peut, légalement, renvoyer ces jeunes ailleurs comme c’est le cas.
Là aussi, en attendant notre tour chez le coiffeur, j’en appelle à la mobilisation des défenseurs au nom du droit a la vie, de l exigence du respect de la convention contre la torture et du respect du droit a la défense.
Me GUERIMBAYE MIDAYE
Président de la ligue tchadienne des droits de l homme

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